Recouvrement: La SRC traque 778 milliards

Depuis sa réorganisation en 2020 et l’élargissement de ses missions, la Société de Recouvrement des Créances (SRC) du Cameroun a connu une transformation majeure. Désormais chargée, en plus du recouvrement des créances bancaires, de la gestion des condamnations pécuniaires prononcées en faveur de l’État, elle a renforcé ses prérogatives et optimisé ses stratégies. Dans cette interview, Marie – Rose Messi, la Directrice générale de la SRC donne des détails sur le travail déjà abattu et à venir.

Madame la Directrice Générale, l’élargissement du champ d’action de la SRC commence à produire des effets positifs sur ses performances. Quels sont les principaux résultats observés jusqu’à présent ?

Merci pour l’opportunité que vous nous offrez, à nouveau, de mettre en vitrine notre activité. En effet, à la faveur du décret n°2020/016 du 09 janvier 2020 portant réorganisation et fonctionnement de la SRC, l’entreprise a vu ses attributions densifiées. Ainsi, désormais, en plus de la liquidation des établissements financiers, qui, était notre mission originelle, la SRC s’est vue confiée, outre le recouvrement des créances des établissements de microfinance, le recouvrement, en liaison avec le ministère de la Justice, des créances issues des condamnations pécuniaires prononcées en faveur de l’État par les juridictions nationales et étrangères. Elle assure également des missions d’appui-conseil et de gestion du patrimoine.

Dans le même intervalle, l’avènement de la loi n° 2023/011 du 25 juillet 2023 régissant les garanties et recouvrement des créances par les entités publiques bénéficiaires du privilège du trésor, qui a institué la solidarité de paiement, comme mécanisme de garantie contre des tiers non coopératifs a accru les prérogatives de la SRC en matière de recouvrement des créances. La conséquence directe de ce nouveau dispositif est l’amélioration de notre activité et l’accroissement des chiffres du recouvrement au cours des trois (03) derniers exercices. Nous sommes passés d’un chiffre d’affaires de FCFA 6 milliards en 2022 à FCFA 17 milliards en 2023 et FCFA 12 milliards en 2024. L’exercice 2023 du point de vue financier a été bénéficiaire et un dividende de FCFA 1 milliard a été voté pour le Trésor Public.

La prise en charge des créances issues des condamnations pécuniaires, en fait partie. Quelles ont été les principales difficultés rencontrées lors de cette réorganisation, et comment avez-vous réussi à les surmonter ?

S’agissant des créances issues des condamnations pécuniaires prononcées au profit de l’État, les difficultés rencontrées sont nombreuses. Certaines ont trouvé un début de solution. Pour les autres, nous travaillons de concert avec nos deux (02) Tutelles, le ministère des Finances et le ministère de la Justice pour trouver des solutions pérennes. Au rang de ces difficultés, il y a eu la collecte des grosses des décisions de justice et des pièces de procédure auprès des greffes des tribunaux. Cette problématique a été solutionnée par le Ministre d’État, ministre de la Justice, Garde des Sceaux par le détachement des Greffiers à la SRC qui ont pour missions la collecte des décisions de justice et des pièces de procédures. La plus grande difficulté rencontrée est l’organisation de l’insolvabilité par les débiteurs. S’agissant des décisions très anciennes (+ de 10 ans), l’exécution des peines de confiscation et la prise de possession des biens immobiliers confisqués n’a pas été aisée. La gestion des biens confisqués pose quelques problèmes qui sont en cours de résolution par le Premier ministère.

La Brigade Mobile, créée pour localiser et identifier les débiteurs, semble être un outil crucial pour le recouvrement. Quels résultats concrets avez-vous obtenu grâce à cette initiative ; et quel impact a-t-elle eu sur l’efficacité de la SRC ?

La réorganisation amorcée a donné lieu à la mise en place, au sein de la SRC, d’une unité de travail la Brigade Mobile, objet d’un projet de texte soumis à la sanction de la Très Haute hiérarchie. Cette Brigade, composée de professionnels, issus des administrations de la Police, de la Gendarmerie, des Impôts et des Douanes, rompus aux techniques de recherche et d’investigation, a vocation à mener des enquêtes de type patrimonial. Elle est dirigée par un Officier de Police Judiciaire, commissaire divisionnaire mis en détachement à la SRC par décret présidentiel. Pour l’accomplissement de ses missions, la Brigade est dotée des moyens logistiques appropriés et travaille en étroite collaboration avec notamment les services de la Justice, du ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières, des Finances, de la Police et de Gendarmerie. A date, les résultats engrangés sont significatifs, dans la mesure où les enquêtes de la Brigade Mobile ont permis de localiser de nombreux débiteurs, de localiser et d’identifier des dizaines d’immeubles appartenant à ces débiteurs et d’identifier les occupants de ces immeubles, et par voie de conséquence de saisir les loyers par l’exercice du privilège du trésor lorsque les immeubles n’ont pas fait l’objet de confiscation.

Avec la forte évolution des recouvrements ces dernières années, quelle est votre vision pour la SRC à moyen terme ? Quelles nouvelles initiatives envisagez-vous pour pérenniser cette dynamique de croissance ?

Il faut reconnaître que si les recouvrements sont en augmentation ; ils sont la plupart du temps tributaires de la conjoncture économique, mais également des stratégies mises en œuvre. La principale stratégie pour l’avenir immédiat est la diversification des modes de recouvrement. Traditionnellement, le recouvrement des créances bancaires est basé sur la réalisation des garanties hypothécaires, nous allons diversifier nos actions de recouvrement en les étendant à la saisie des valeurs mobilières et à l’usage de toutes les prérogatives.

L’usage des prérogatives et des mécanismes prévus par la Loi n° 2023/011 du 25 juillet 2023 régissant les garanties et le recouvrement des créances par les entités publiques bénéficiaires du privilège du trésor, notamment la mise en œuvre de la solidarité de paiement qui permet d’étendre le recouvrement à tout tiers détenteur des biens du patrimoine dont les ayants-droits et prête-noms et le recours à l’inscription des hypothèques légales sur l’ensemble du patrimoine immobilier d’un débiteur. Cette politique de recouvrement passe également par le renforcement de l’exercice du privilège du trésor, la poursuite des tiers saisis récalcitrants, la recherche des avoirs bancaires et la saisie des biens meubles des débiteurs. L’accès aux fichiers des bénéficiaires des Sociétés Civiles immobilières et bailleurs de l’État, la collaboration avec le ministère des Finances. Nous avons entamé au cours de l’exercice 2024 des procédures de recouvrement à l’étranger et notamment en France. Des Avocats ont été constitués pour requérir l’exéquatur en France des décisions de justice rendues au Cameroun.

Nous avons engagé la collaboration au plan international avec des organismes tels que OIPC INTERPOL, l’Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (AGRASC) et la Plateforme d’Identification des Avoirs Criminels (PIAC) en France et dans d’autres pays. La collaboration avec OIPC INTERPOL permettra à la SRC de procéder à la recherche de patrimoine des débiteurs à travers le monde. Nous avons en projet le renforcement des capacités de nos collaborateurs magistrats à la gestion d’avoirs saisis et confisqués. Une demande d’entraide à cet effet sera adressée à l’AGRASC et à la PIAC en France.

Un mot sur le nombre de débiteurs que vous traquez à ce jour et ce que représente l’enveloppe de leurs créances vis-à-vis de l’État, si cela n’est pas indiscret ?

Au 31 décembre 2024, le portefeuille résiduel des créances à recouvrer en matière bancaire et commercial est de FCFA 584 milliards. En ce qui concerne les créances issues des condamnation pécuniaires au profit de l’Etat et de ses démembrements, le solde restant à recouvrer pour les décisions de justice exécutées est de FCFA 194 milliards. Nous restons convaincus que grâce au déploiement de la SRC, revêtue de ses nouveaux attributs, adossé à sa réorganisation telle que voulue par le Chef de l’État et avec l’accompagnement des autorités publiques, le taux de recouvrement sera significativement amélioré.

Source : Minfi